4ème partie et fin...
CHAPITRE 10
Vincent aurait dû être
grandit de et par ce succès impressionnant. Ayant dépassé toutes les
prédictions,
Marc produisait du livre
comme il ne l'avait jamais fait auparavant. Il vendait, vendait, vendait encore
et encore, ne consacrant plus que son temps à ce seul
ouvrage. Tout autre lui
aurait paru à ce moment là
superfétatoire. Mais Vincent
restait serein, ignorant le reste du monde, caressant Sabine du regard le plus
souvent qu'il le pouvait, afin de déclencher comme une
horloge, le mécanisme encré
en eux depuis le début et
qui les exaltait tout deux de
la même fougue ravageuse... Oui Vincent restait serein, encré dans son fauteuil
face à sa machine, en train d'épuiser les notes qu'il avait inscrites
précieusement dans son petit carnet en cuir noir. S'occupant seulement des
regards qui se posaient, complices, emplie d'amour et de compassion, sur son
épaule. Pendant ce temps son compte en banque débordait. La seule chose qui le
laissait de marbre, il avait divorcé de l'argent. Il avait commencé son
deuxième roman, sans se laisser déborder, ni impressionner par le premier. Il
gardait l'esprit froid, il avait peur, il le savait, cela le figeait lorsqu'il
y pensait de trop. Son talent était naît sans prévenir. Pourquoi ne le
quitterait-il pas de l'identique façon? Alors sans se décontenancer, il s'était
remis au travail, prêt à recommencer un autre rêve, prêt à reconstruire un
autre monde, faire naître de nouvelle vie, ne possédant que la frontière de la
première page. Le cap avait été très rapidement franchit, et le travail
fastidieux de l'écrivain qui ne veut fournir que le meilleur de lui même
s'était installé. Malgré cet isolement, et cette inconscience, cette naïveté
qu'il avait de croire que rien désormais ne pouvait le déstabiliser, le murmure
du temps, prudent, soufflait toujours de sa même cadence. Vincent avait
commencé son roman par “une chambre qui portait le numéro six”, Ludmilla avait
souri... Il avait mis deux longues années pour se décider à taper de son index
le dernier point. Il s'était attaché pour ses héros de la même passion. Il
n'avait pu se résigner à les abandonner que lorsque à l'évidence
leur destin ne pouvait que
s'inscrire à l'oublie, n'offrant plus d'intérêt à ses convictions profondes.
Sans même ce soucier de la presse qui ne pronostiqué que défaillance de la part
de l'écrivain qui avait passionné la France, qui avait fait couler tant
d'encre. Enrichissant sans le savoir le futur marché que préparait Marc dans la
plus grande discrétion. Celui-ci avait appelé sans cesse Vincent...
Transpirant, anxieux, doutant très souvent, s'angoissant. Il avait trop misé
sur cet homme. Sabine très souvent lui avait répondu “ne t'en fait pas, il
travaille, il va réussir, laisse le...” Pourtant rien ne lui paraissait sûr à
Sabine, car elle voyait sans cesse la corbeille s'emplir de brouillon, vierge,
ou bien vierge du talent qu'avait possédé le premier roman. Pourtant le
résultat était là, le second roman était né. Pendant que les médias lui
construisait un visage médiatique universel, Vincent s'était déjà plongé dans
la confection d'un troisième roman, doutant toujours, ne voulant pas se laisser
aller à cette gloire que tout le monde lui prêtait. Et malgré le flot d'argent
que lui apportait cette combinaison parfaite des mots, Vincent et Sabine avait
conservé la
même vie, heureuse et
passionnée, dans le même appartement. Quel bonheur, quel passion, plus rien ne
manquait à ce moment là au
deux amants pour la réalisation suprême de leurs souhaits profonds, si
toutefois un jour ils en avait réellement eut un. Vincent continuait à écrire,
grimpant chaque marche une à une, à la sueur de son front, emportant comme un
ouragan l'âme de chaque lecteur qui s'approchait de la sienne ...
Comme je l’ai déjà écrit,
dans le faîte de cette gloire, il aurait pu croire au parfait bonheur.
Continuant à écrire sans repos. Il n'en était rien, sans que notre héros en
connaisse la raison. Il y
avait un vide, un manque, un
espace de trop, des secondes
en plus qui naissaient
d'angoisses. Pourquoi? Va
savoir! Se disait-il à lui même lorsqu'il venait à y penser... Alors ce matin
là, il se leva, comme à son habitude; Il but le même café dans le même verre,
s'appuya sur la même table en marbre de la cuisine, écouta les mêmes inepties
projetées par la radio. Il se leva prêt à rejoindre sa machine à écrire, comme
un réflexe, sans qu'il ne se l'explique, sans se demander pourquoi. Mais il
trébucha, et ça, il n'en avait pas l'habitude. Il resta immobile, penseur, sans
que je sache à quoi il pensait. Je n'avais pas même osé lui demander. Il avait
sur le visage, cet air sérieux que je ne lui connaissait pas, que je ne lui
avait jamais connu. Cela me fit peur. Toujours cette peur incessante de le voir
prendre les commandes de son destin. Et ça je ne voulais pas. Alors, je m'étais
mis à caresser Ludmilla du regard, mais je n'obtins pas de réponse. J'étais
presque furieux quand j'avais osé regarder la dame à l'ombrelle droit dans les
yeux, mais rien, toujours ce silence qui me mettais de plus en plus mal à
l'aise. Et cette foutue feuille qui s'entêtait à rester
vierge! Ne sachant plus quoi
faire, au moment même où, tant pis, j'allais adresser la parole à Monnet,
Vincent se retourna, pris son paletot, sa veste, je ne sais plus, et il sortit.
Il sortit, laissant ses trois maîtresses en têtes à têtes... Il avait jalonné à
nouveau la rue Saint Vincent; il ne pouvait s'en empêcher. Pourtant je crois
que ce jour là, si on lui avait demandé si il connaissait cette rue, il aurait
répondu “non”. Sans empressement, peut être sans même comprendre, peut être
sans même l'entendre la question qui lui était posée. Et cela lui aurait été
complètement égal. Puis il s'était rendu sur la place de la Comédie. Et cela,
il ne l'avait plus fait depuis bien longtemps. Il s'était arrêté devant le
vieux manège, il était même monté sur le vieux cheval. Puis il était descendu,
sans s'en être aperçut. C'était jour de marché, alors il avait pris un bain de
foule. Les gens ne l'avaient pas reconnu, il se sentait bien, pour la première
fois depuis longtemps, bien de se retrouver dans la peau d'un inconnu, dans la
peau de l'enfant qu'il avait été, le fils d'un Sépharade
déporté. Puis il s'était
approché d'une terrasse de café, il avait tiré une chaise, et il s'était assis,
face au soleil. Puis il avait fermé les yeux, se laissant inondé, et pénétré
par la douce et chaude chaleur des rayons de celui-ci. Jamais, non jamais
depuis longtemps, il ne s'était senti aussi bien. Pourtant même à ce moment
précis, il ressentit ce vide, ces secondes superflues qu'il avait envie de balayer
de la surface de sa montre. Et il consomma café sur café. Et ce jusqu'à ce
qu'une ombre se dresse et interrompt la conversation qu'il entretenait avec son
vieil ami chaleureux. Son visage pourtant excessivement chaud s'était refroidi
d'un seul coup, s’était figé, comme si on l'avait enfermé dans un
congélateur. D'un seul coup!
Puis ses yeux avaient bougé, doucement, mais ils avaient bougé. C'est là, je
crois qu'il s'était aperçut qu'il y avait deux personnes, devant lui, qui
l'isolaient du soleil. Ce qui était drôle, enfin si l'on peut écrire, c'est que
ces deux silhouettes étaient figées,
aussi. J'avais même souri, un moment, quand j'avais eu l'impression de me
retrouver au musée Grévin, et que j'avais eu envie de l'écrire. Mais tout
aurait changé de sens, cela aurait été absurde... Que toute cette histoire, que
toutes ces vies se retrouvent figées dans un musée. J'avais été obligé de
recommencer à tirer les ficelles de mes marionnettes. A moins que ce ne soient
elles qui me les aient arrachées. Vincent lentement s'était redressé, il avait
devant lui ce gouffre immense, ce quelque chose qui lui avait manqué tous les
jours, ses deux enfants, la chair de sa chair, l'encre de son encre... Léa et
Alexandre, il les avait reconnu, malgré les années, malgré les chapitres. Alors
il s'était mis à pleurer, il avait eu envie de se lever, de les serrer, de les
embrasser, mais il n'avait pas pu. Quel droit avait-il sur eux? Pouvait-il
seulement aujourd'hui, parce qu'il
s'apercevait de son erreur,
qu'elle lui était tombée dessus comme une guillotine, demander pardon. Demander
pardon comme un enfant, pour une bêtise. Non! Il savait que ce qu'il avait fait
était plus grave. Il
n'avait en aucun cas le droit
d'abandonner ses enfants. Il l'avait fait, sans y réfléchir, mais il l'avait
fait. Et s'abandonnant à un monde illusoire qu'il construisait de toute pièce,
il s'était réservé le droit d'effacer ses enfants de sa vie. Il ne savait même
pas si il en avait honte. Ce qu'il se demandait c'était de quelle côté se
trouvait la vie réellement. Il s'était mis à douter soudainement, m'avait
regardé. Moi non plus à ce moment là, je n'avais pas pu lui répondre... Léa
avait pris la parole: “Nous sommes tes enfants...” Sachant bien qu'il les avait
reconnu! Mais elle n'avait pas su quoi dire d'autre. Alexandre pleurait. Plus
sensible sans doute. Léa, elle, restait de marbre, possédant un regard glacial,
forgé de reproche, amer. Encore protégée par sa carapace de homard. Vincent
sentit tout de même le pardon. Il s'était levé, les avait embrassé, avait tiré
les chaises afin qu'il puisse s'asseoir, et il s'était assit à nouveau. Puis il
les avait écouté, longuement, il avait compris que c'était cela qu'ils étaient
venus chercher tous deux. Il les avait écouté, longuement, s'affalant de plus
en plus dans les chaises rouges, le soleil était toujours là, écrasant; les
parasols s'ouvraient un à un, chacun leur tour, ne se
bousculant pas. On s'était
mis à entendre, dans la foule, ceux qui se plaignaient qu'on les divorça de la
sorte de l'astre lumineux. Vincent et ses deux enfants avait consommé. Le père
était resté attentif, de plus en plus anxieux, par ce qui dans la conversation
n'était pas Dit par les mots... Il avait baissé les yeux, c'est là qu'il
s'était rendu compte que des pavés ornés la place. Les mêmes pavés que dans la
rue Saint Vincent, peut être posés par les mêmes maçons... Oui Iris était
morte, sa fille venait de l'annoncer, comme si pour elle, il avait s’agit d'un
fait divers. Oui les mêmes maçons, les mêmes pavés, posés dans la même
direction... “Un cancer!” Dit-elle. Comme si de surcroît il avait eu besoin
d'explication. Alexandre restait muet, éternellement marqué par cette tragédie
qu'il croyait avoir vécu. En fait il se l'était construite...
- Et le détective? Oui
l'amant de ta mère?
Il avait disparu celui-là,
sans doute à guetter deux amants dans un aéroport. Qu'est-ce que cela pouvait
bien faire...
- Et vos études? Brillantes!
Le mot avait sonné, claqué
même, sec, vierge de tonalité. Il aurait pu le remplacer par médiocre, ou bien
par nul, personne ne s'en serait aperçut. Parce que désormais il parlait pour
combler l'énorme gouffre qui venait de s'ouvrir, dans les fondations de sa vie,
toute l'histoire de sa vie avec la mère de ses enfants. Et que Léa et Alexandre
ne connaissaient pas. Tous deux étaient persuadés que leur mère et leur père
avaient passé de nombreuses années à se morfondre dans un mariage de simple
convenance religieuse. Jamais ils ne s’étaient doutés qu’entre leurs parents,
il y avait pu y avoir autre chose, un sentiment plus fort, plus important que
celui de respecter inutilement une convention, dans le but d’enfanter sans se
lancer dans la confection d’hybrides devant jusqu’à la fin de leur vie et dés
leur naissance se lancer à la recherche de leurs origines... Non jamais il ne
se serait douter à ce moment là, qu’il y ait pu y avoir un soupçon d’amour.
Pourtant, il en était bien autrement, oui, la vérité était tout autre...
Vincent ferma les yeux, brièvement, se lançant à la capture des images de sa
jeunesse. De sa rencontre avec Iris, de son charme irrésistible, de son
sourire, celui qui s’était effacer peu à peu avec les années de mariage.
Vincent l’avait de nouveau devant lui ce sourire qui l’avait fait vibrer. Et il
vit ce sourire se figer définitivement, il sentit le corps se raidir, ne
sachant pas très bien de quel corps il s’agissait. Il sortit un mouchoir en
papier de sa poche de pantalon velours, essuya son front et discrètement
absorba la larme qui venait furtivement de s’échapper. Comment pouvait-il avoir
oublié tout cela? Et puis non, il ne l’avait pas oublié, il l’avait seulement
mis de côté, ainsi il en avait décidé, à moins que ce ne soit le destin qui ai
choisi pour lui... Puis soudain ce poème qui lui vint à l’esprit, un poème
d’amour, un poème sur le temps...Cette stupide et soudaine envie d’écrire qui
le reprend, même à cet instant, comme si il avait eu ce besoin irréversible de
classer sa vie dans des mots. Pourtant il ne pouvait gommer ce qu’il avait
vécu. Peut être est-ce là qu’il comprit la différence qui sépare les deux
mondes. “Ce que j’écris, je l’efface, le modifie et l’écris à nouveau... Ce que
l’autre écris, lui seul en est le maître.” Mais où en étais-je? Ah oui, démangeaison, poème à écrire... Poème
d’amour, poème sur le temps... Il sort un stylo de sa poche, je pourrai
inscrire une plume mais il n’en est rien, il s’agit bel et bien d’un stylo, un
stylo bille; il fourre la main dans sa poche, il oublie ses enfants, l’envie
est trop forte, il faut qu’il écrive. Un instant il pensa résisté, pour Léa,
pour Alexandre, mais il étouffa, il faut essayé de le comprendre... Et même si
vous ne le comprenez pas vous n’y pourrai rien changer... Voilà la vérité! Ah
oui ce poème! Il étouffe! Pour lors il se met à écrire, avec cette musique
infernale qui lui trotte dans la tête...
J'ai regardé le temps passer,
J'ai regardé le temps passer,
J'ai regardé seconde après seconde,
A travers celle qui meurt,
La naissance de l'autre.
J'ai écouté le temps coulé,
J'ai écouté seconde après seconde,
A travers celle qui coule,
La naissance d'un pleur.
Et j'ai vu une larme,
Une seconde couler...
Et indécis,
J'ai voulu connaître
Le temps d'une larme,
La seconde qui suit.
Et sans compter,
Ni larme, ni seconde,
Sans écouter, ni regarder,
J'ai vu un éclat !
Celui de tes yeux,
Le temps d'une seconde,
Une seconde qui naît,
Et une autre qui meurt
Sans jamais s'arrêter...
Il pose le stylo, enfonce la feuille de
papier au fond de sa poche, s’enfonce un peu plus dans son vieux fauteuil en
cuir marron. Ludmilla pose de son éternel sourire...
Trois roses pour t’écrire
Mon amour,
Et le
Décrire...
CHAPITRE 11
Sabine n’osa plus le
déranger. Vincent s’encra un peu plus dans son siège, lui donnant définitivement
la forme de son humble carcasse. Les touches du claviers s’échauffaient du
passage de ses doigts brûlants du désir d’écrire. Sans ambition, créer pour la
création, construire son rêve, défier tous les destins... La dame à l’ombrelle
commençait à avoir mal au dos. Ludmilla s’épuisait à virevoltait, à jouer la
Fée Clochette. Mais Vincent écrivait sans cesse, ne vivant plus que pour la
fusion d’amour qui envahissait les deux corps et la fusion d’esprit qui
l’unissait à sa machine. Dans l’intimité, il allait jusqu’à caresser ses
formes. Son silence semblait démontrer la réciprocité des ses sentiments. Dans
ce bonheur parfait, il continuait le cheminement de l’oeuvre, ne se souciant
guère de ce qu’il se passait de l’autre côté. La table en marbre commençait à
se marquer des coups de tasses répétées. Le café à lui seul nourrissait
l’esprit de l’homme. Vincent s’était remis à fumer, comme si l’image parfaite
de l’écrivain n’avait pu se concevoir autrement. Peut être était-ce cela
l’ambition secrète qui se dissimulait en son antre? L’espoir inconscient d’une
perfection qui n’existe pas... Parfois, dans son appartement, il croisait Léa
et Alexandre, il les embrassait paternellement et recommençait à écrire.
Le littérateur gommait peu à
peu son carnet, le vidant de ses notes, que scrupuleusement il inscrivait à
chaque inspiration... Alors, une chambre qui portait le numéro six... Il me
regarde, je n’en sais pas plus que lui, nous nous retrouvons dans le métro, je
ne sais plus où j’en suis. Je n’ai pas vu le nom de la station, alors je
referme le dictionnaire des synonymes. Amusant, il n’y a pas de synonyme de ce
mot... Il faut en inventer un, il est d’accord avec moi... Et on se retrouve
chez le psychiatre, peut être à la recherche du talent qui se cache. On prend
des notes tous les deux. On le nomme le journal des fous. Pourquoi rit on? Ce
n’est pas mon nom me dit Vincent. Rire... Et l’on se remet à écrire... Tandis
que je me gratte la tête du côté gauche, que le voilà, en train de se gratter
la tête du côté droit, cela m’énerve, je le lui dis. Pour la première fois nous
nous disputons, cela m’énerve, il s’entête, il récidive! Lui aussi il
s’énerve... Nous sommes assis et nous parlons tous les deux au psychiatre. Il
nous demande pourquoi nous écrivons. Nous lui disons ensemble que nous n’en
savons rien, qu’il n’y a pas de moyen de faire autrement... Je reprend les
commandes, je recommence à écrire... Vincent se retrouve seul, dans son vieux
fauteuil en cuir marron, il n’en sort plus, il ne mange plus. Iris entre dans
la pièce, au bras de son détective privée. Ensuite ils s’en vont. Pas une
parole, pas un mot d’échangé. De toute façon Iris était morte... Il se remet à
écrire. Sabine entre dans le bureau. Il lui sourit. Rarement elle entrait dans
ce bureau. Il se mit à sourire, du même sourire que le mien. Elle l’observa,
longuement. Des larmes coulèrent de ses yeux. C’était étrange. Puis elle
sortit. Je m’en souviens. Tous les deux on se demanda pourquoi elle avait
pleuré comme cela. Ma femme était derrière, je m’en souviens. C’était étrange,
elle aussi elle pleurait. Alors on se remit à écrire. Où en étais-je? Ah oui un
poème, poème sur l’ONU, poème sur la guerre. Un poème qui dénonce. Pourquoi
pleurait-elle? Pourquoi pleuraient-elle? Je n’en sais rien, nous n’en savons
rien. Je me remets à écrire qu’il se remet à écrire... dés lors il se remet à
écrire. Il a soudain l’impression que les mots lui glissent sous les doigts,
écrivent son destin à ma place. Il ne choisit plus. Lui aussi il se met à
pleurer. Que puis-je faire pour l’aider, à part pleurer moi même. Même les mots
que j’inscris ne lui enlève plus sa peine. J’écris “Bonheur”, “Bonheur”,
“Bonheur”. Il continue à pleurer. Il caresse le vieux Berliet, en imitant le
bruit de son moteur. Il se retrouve dans la rue Saint Vincent. Et il se
retrouve enfant, il voit son père, traîné par les nazis. Il pleur, il ne peut
rien faire de plus qu’il n’avait pu le faire, il essaie le tout pour le tout.
Il s’effondre, ses genoux saignent, ils se sont écorchés sur les pavés de la
rue Saint Vincent. Le camion redémarre, il revoit le sourire d’adieu de son
père... Puis il revoit sa mère mourir... Il épouse Iris à la synagogue! Il ne
peut rien changer. L’homme d’affaire se met à écrire, sûrement à la recherche
du talent qui se cache... Et cette histoire se termine dans un vieux fauteuil
en cuir marron... Par une psychanalyse psychanalytique, et nous ne pouvons rien
changer. Le talent se cachait dans la folie, l’histoire d’un fou qui écrivait
l’histoire d’un autre fou. Ou d’un fou qui écrit son histoire face à un
miroir... Deux hommes en blanc nous prenne de force, nous ne nous défendons
pas, il ne le faut pas. Et nous sortons, devant nous, l’Angleterre, une chambre
qui porte le numéro six, une vieille poupée, Iris et son détective, indifférent,
Sabine qui est soutenu par Marc; nous voulons encore écrire, mais ils nous en
empêchent. Un poème, poème d’amour... La dame à l’ombrelle ne bouge plus,
Ludmilla n’a plus son sourire d’antan. Léa et Alexandre nous regarde, les yeux
pleins de pitié, pourtant cela je ne l’avait pas écrit. Pour la première fois
j’ai peur... Je les regarde tous, ils se mettent à applaudir... Je les regarde,
rien n’est vrai, que ce que l’on n’écrit pas! Je les salue, je leur demande
pardon! Une dernière fois. Et nous voilà à l’asile. Il est sûrement fou ce
psychiatre. Nous n’avons fait que lui dire la vérité, de lui confier la raison
pour laquelle nous nous sommes mis à écrire... J’ai peur, alors j’écris Vincent
à peur... Tout nous effraie, sur la feuille nous écrivons le courage. Plus rien
ne nous effraie. Il nous donne à manger, nous n’avons pas faim... J’essaie de
donner à manger à Vincent, pour la première fois je m’aperçois qu’un miroir
nous sépare...
Irrévocablement son grain de
beauté se retrouve sur sa joue droite et le mien sur la gauche...
Peu importe, je me remets à
écrire. Vincent se remarie avec Sabine... Toujours, dans la pièce se trouvait,
voltigeant, le petit sourire narquois de la petite Ludmilla. L'enfant de la rue
Saint Vincent lui souriait parfois, posait le doigt sur sa bouche et disait,
“chut”!
Mon roman se termina dans un décor Vénitien,
les gondoles s'éloignent, emportant mes deux héros, je les salue, une dernière
fois, sachant bien que je ne les reverrais plus. Une larme coule de mes yeux,
j’appuie
sur le dernier point, puis
non, j’en ajoute deux autres... Le rideau rouge tombe, balayant la scène, et je
tape les trois dernières lettres, FIN. Brutalement, sans trop vouloir y
croire, je me retrouve dans le monde des vivants...
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