Poesie pour la vie

Poesie pour la vie

Le talent qui se cache... Première partie

 

Me voila de retour dans ce monde que j'aime plus

que celui que je vis, celui que j'écris...

 

 

 

 

                                

 

 

Mes doigts caressent les touches qu'ils chérissent tout en construisant mon rêve...

 

 

 

Introduction

Vincent Cohen est à quarante sept ans, devenu dés la

sortie de son premier roman, un des plus grands écrivains Français du 20ème siècle. Pourquoi avoir attendu cet âge avancé pour commencer à écrire? Quelle est l'empreinte brûlante qui a réussi à son insu à

confectionner ce monstre sacré de la littérature? Peut

être est-ce cela que nous allons découvrir entre les

lignes de ce roman, à la recherche du talent qui se

cache...

 



 

Présentation

 


Des coups brefs et répétés, puis trois autres,

détachés plus déterminés, et le rideau bougea, la

scène craqua... C'était une scène d'amour, avec son

odeur d'amour, comme toutes les histoires d'amours

véritables, véritables dans nos rêves d'enfants...

- Il ne faut pas qu'il voie ma robe! Cela porte malheur!

Le coiffeur est-il là, le photographe? Les musiciens...

- Mon Dieu, mon costume est froissé, je suis mal rasé,

et je me suis coupé! Regarde ces cheveux... La voiture

est en panne! Vite!

Vincent et Iris s'étaient retrouvés à la synagogue,

s'étaient jurés fidélité.

Un voyage de noce, un avion, un taxi, un hôtel quatre

étoiles, du bonheur, de l'amour...

            Le retour, le boulot, les embouteillages, le train-train... Plus un regard, plus de geste d'amour.

Ah! Les vacances, ces fameuses vacances d'été...

Trop longues, beaucoup trop longues, indifférence, toujours de l'indifférence, pas même une dispute... Deux enfants étaient nés de cette union. Léa

et Alexandre. Quels merveilleux prénoms, quel

merveilleux couple...

 

 

 

              Sabine et Marc avaient connu la même

tragédie. Ils s'étaient laissés aller avec la même

vague, sans jamais tenter de nager à contre-courant.


 

CHAPITRE 1


                              Vincent dévale l'escalier, un mégot au

coin des lèvres, il est pressé, pressé d'aller chercher un paquet de Gitane.

Il ouvre la portière, se jette sur le siège, appuie sur l'allume cigare, démarre, attend que l'allume cigare se déclenche; il se déclenche, il sort le métal incandescent, il l'approche de sa bouche, seulement

voilà, il n'a plus de cigarette. Il accélère, il se dépêche, il fait la course avec un fantôme, la course de sa vie, avec une invincible envie...

 

       Sabine déboule l'escalier, à croire qu'ils sont

partout, elle n'a pas de mégot au coin des lèvres. Elle

ne prend pas la voiture, n'ouvre pas la portière, ne se jette pas sur le siège, elle n'a pas d'allume cigare, pourtant une flamme brille au fond de ses yeux. Elle n'a plus de cigarette. Elle accélère, elle se dépêche, ouvre la porte du tabac...

 

Vincent la bouscule en sortant.

- Excusez-moi mademoiselle!

- Des excuses ne suffiront pas, espèce de mufle!

- Alors permettez-moi de vous inviter à boire un verre?

- Si vous voulez!

Et les voilà assis, tous les deux, autour d'un verre, ou plutôt deux, deux verres inconnus face à deux inconnus.

- Vous ne m'en voulez pas trop?

- C'est oublié!

- Vous acceptez toujours aussi facilement les

invitations d'un inconnu?

- Seulement ceux qui me bousculent...

- Alors c'est un privilège?

- Me considérez-vous comme un privilège?

- Vous je ne sais pas, vos yeux certainement!

- Vous m'impressionnez, à vrai dire, je ne sais même pas pourquoi je me suis assise à vos cotés...

- Sans doute grâce à mon charme irrésistible...

- Plutôt grâce à votre humour...

Puis il y eut beaucoup trop de silence, que je ne peux

pas écrire, dommage, ils parlaient plus que les mots,

les meubles n'écoutaient plus, se sentaient de trop,

le coucou ne sortait plus pour donner l'heure, les

secondes rougissaient à chaque passages, empêchaient

les minutes de passer en leur faisant des crocs en

jambes...

- Je me sens bien. Cela faisait longtemps que je ne

m'étais pas sentit aussi bien, que je ne m'étais pas posé ainsi, à regarder le temps passer...

- Je peux en dire autant. Vous-êtes marié? Dit-elle en

serrant l'alliance sur la main de Vincent, lentement.

- Oui, et vous?

- Je dois dire oui?

- Vous devez dire la vérité!

- Alors oui, je fais partis du cercle, si on peut se

permettre de l'appeler ainsi, le cercle dont le symbole est l'alliance.

- Bon il est temps que j'entre chez moi.

- Madame attend?

- Oui elle attend toujours...

Et après s'être levé, Vincent regarda Sabine, droit

dans les yeux.

- Vous pouvez me rendre un service?

- Oui.

- J'ai peur de mal terminer cette journée, si vous

acceptiez de m'embrasser, je serai au moins sûre de

bien la commencer...

Ils s'embrassèrent, sur les joues!

- J'aimerai bien te revoir.

- Moi aussi j'aimerai bien te revoir...

Sabine lui glissa promptement son numéro de téléphone dans la poche...

   Vincent rentra chez lui, un mégot au coin des lèvres, le mastiquant, installé dans un étrange nuage, dans un monde qu'il ne connaissait pas, dont il avait tout à découvrir; L'amour? L'amour passion? L'amour

passionnément? Il ne savait pas, il avait tout à

découvrir, un telle étrange sensation. Où cela l'emmènerait-il? Il n'en savait rien... Il croyait tout savoir, il croyait déjà que la vie pour lui ne possédait plus de mystère. Mais soudain, il commença à avoir froid, il ne sut plus où il se trouvait, mais il s'y trouvait à l'étroit, à l'étroit dans un tiroir, un tiroir du vieux salon, et à l'intérieur, une vieille cheminée, avec une vieille poutre, des vieilles pantoufles, un vieux chien, des adolescents qui l'appelaient Papa... Il ne pouvait plus bouger dans ce tiroir, et de toute façon même l'odeur il ne la supportait plus, cette odeur vil d'encaustique, qui faisait briller le bois usé, cette prison trop étroite, comme toutes les prisons.

- Il faudrait acheter une télé d'angle!

- Que dis-tu chéri?

- Avec un meuble d'angle, pour gagner de la place...

- Pardon?

- Il faudrait enlever le canapé, et que tu ne m'appelles plus chéri...

- Pardon chéri?

- On mange bientôt?

- Oui, tu peux passer à table si tu veux.

Même cela, cela lui fit mal, il n'avait plus envie de

cette vie tracée droitement dans ce cocon funèbre,

cette vie que tout le monde lui enviait, il en avait marre, subitement marre, pourtant, il avait tout fait pour y arriver, depuis quand en avait-il assez? Depuis deux ou trois heures? Depuis qu'il avait rencontré cette

 

 

inconnue, depuis qu'il s'était assis avec elle à cette table et qu'il s'était dit que toute sa vie pouvait

recommencer, maintenant, au moment où il le

déciderait, simplement parce qu'il le déciderait! Et il vit ces oiseaux, un coeur autour du cou, indécis,

attendant qu'un peintre leur donne un nom et signe leur plumage vierge, inscrive leur nom dans une incandescente histoire d'amour...

Il fallait revoir cette femme, cette femme qui l'avait tant troublé. Sa main le brûlait, il sentait ses doigts rougir, il les agitait, il ne comprenait pas d'où cela provenait. Cette douleur s'approchait de la jouissance plus que d'une vraie douleur. Une douleur qu'on apprécie presque, avec ses bons et ses mauvais côtés, une douleur que l'on regrette lorsqu'elle disparaît. Délicatement, il sortit de sa poche, sa main, prisonnière de cette simple carte de visite.

Une carte de visite tout à fait anodine, emplit peut

être d'une odeur satanique... Encore faudrait-il savoir où est le bien... Soudainement il se mit à penser à lui, il se trouva quelconque, il eut même l'impression de se retrouver posé au milieu du décor par un metteur en scène d'une oeuvre dramatique...

Il eut l'impression que "La Mouette" était en train de

rire au milieu de son salon. Il ne s'effraya pas,

tellement il avait l'impression de se trouver là en simple spectateur. Il eut froid tout de même, ses doigts incandescents ne suffisaient plus à le réchauffer. La carte...

- La carte, le numéro de téléphone... Tu es là Iris?

Iris n'était plus là, elle était sortie, même qu'elle lui avait crié depuis l'entrée, mais il ne l'avait pas entendu, il ne chercha même pas à se souvenir, il se contenta de décrocher le combiné du téléphone, et de composer en même temps que les battements de son coeur, les numéros du bonheur...

- Allô, Sabine?

- Oui... C'est moi... Qui est à l'appareil?

- C'est moi... Vincent...

Et c'est ainsi que fut convenu leur premier rendez-vous d'amant... Cette rencontre n'était pas une rencontre désabusée, montée de toute pièce, inconsciemment, afin de satisfaire des besoins d'adultères forcenés qui lutteraient ainsi contre l'ennuie du mariage. Non, il y avait plus que cela, tout n'était que fusion, que passion hystérique. Et dés cette première rencontre toute cette fougue, animée par tant de conviction inconsciente, accéléra le pouls des deux amants. Ils choisirent un hôtel plus qu'ordinaire, un hôtel une étoile, sans ascenseur, sans salle de bain, une chambre qui portait le numéro six. Les murs sentaient le moisi, sans doute une infiltration provenant de l'étage du dessus, humectant les dix couches superposées de papier peint, dont la première laie devait avoir été posé au début du

siècle. Il faisait froid dans cette chambre, le dessus de lit était ancien, sale, toute l'ambiance était vieille, sentait la mort, même le soleil ne pouvait entrer dans ce cimetière où se déroulait pourtant une scène torride, où se mêlaient deux inconnus parfaitement nus. Jamais ni l'un ni l'autre n'avait connu autant de passion dans l'acte. Ils étaient tout deux comme envoûtés. A aucun moment ils ne se posèrent de questions. Ils n'avaient pas envie de gâcher cette rencontre par des préjugés compliqués d'éducation. Ils se contentaient de rêver éveillé, tout en sachant qu'il s'agissait d'un rêve, tout en ne sachant pas si ils le vivaient vraiment. Ils étaient emportés par un ouragan dévastateur, ne faisaient plus parti du monde des vivants. A un moment, même, on aurait pu croire qu'ils faisaient réellement parti de cette sombre chambre qui portait le numéro six...

 

 

Bien sûr, il fallu se séparer, rejoindre la réalité. Il n'y eut pas de frontière réelle, les deux mondes semblaient se joindre parfaitement. Ils leurs fallait avoir la simple faculté de ne pas se souvenir de l'autre monde, au moment ou ils s'y trouvaient, et inversement. Le plus difficile était la liaison, la programmation du péché. Mais ils s'en sortirent à merveille. Ils traitaient l'acte comme un rendez-vous d'affaire. Au téléphone, même un oeil averti, un metteur en scène hors pair, ne se serait aperçu de la supercherie, ne se serait aperçu qu'ils jouaient la comédie. Ils étaient devenus, instantanément, deux comédiens, tellement exceptionnel, qu'ils arrivaient à se tromper eux même. Ils entraient dans le jeu, dans l'acte et la forme du théâtre de Shakespeare. Il n'y avait pas même un moment d'éclaircie dans ce tumulte, cet orage, cette tourmente. Ils se rencontrèrent de plus en plus souvent, ignorant peu à peu le danger d'une telle relation, mettant en péril leur ménage, leur vie entière, et leur âme. Tous les jours ils ajoutaient à cette passion, une offrande supplémentaire, leurs corps se mariaient, se

débattaient, assouvissaient leurs désirs brûlants de se

brûler encore d'avantage. Corps contre corps, fougueux, ravageur, dans cette chambre portant le

numéro six. Ils s'embrassaient, se léchaient bestialement, se laissaient aller au bonheur, au plaisir extrême. On ne peut même pas dire qu'il s'agissait d'une relation amoureuse, seul l'acte les envoûtaient vraiment. Ils ne se parlaient que pour préparer la fusion...

Peut être est-ce cela s'aimer à la folie? Comment

savoir, car le destin de ce monde ne peut s'expliquer

que par de simples questions. Jamais une réponse,

simplement une question qui répond à une question. Un peu comme une règle inévitable où le destin ne se

dessine pas... Ce monde semblait impalpable, aussi

Vincent fut surpris le jour ou Iris lui fit une remarque.

- Tu ne rentres plus, tes clients se plaignent... Tes

enfants ne te voient plus... Qu'est-ce qui t'arrive?

Je ne te reconnais plus?

- Voyons ma chérie, tu doutes de moi?

Voilà comment la réponse sonna, emplissant la pièce

d'une sincérité indiscutable! Quel talent! Non de

l'ignorance, la maladie d'amour avait touché le coeur!

Du coté de Sabine et Marc, il n'y avait pas encore de

méfiance. Le couple dérivait doucement sur sa barque.

Dans la salle à manger on pouvait entendre le bruit

sourd du torrent, qui suivait le cours de la monotonie. Cette monotonie qui emplit la vie stupide de tant de couples. Bercés au départ de leur existence par de l'illusion, de l'illusion vendue, donnée parfois, à travers  des contes de fées venus tout droit de leur enfance. L'amour est une chose qui est encore plus rare que l'or, et qui a bien plus de valeur. Mais l'amour est surtout la seule chose qui parfois vaille plus cher que la vie...

Pourtant, comme elle, l'amour est éphémère, il clignote parfois, toutes les secondes, pendant une seule nuit,   comme une simple luciole. C'était de cet amour là que fusionnaient nos deux amants. Du feu naîtra la cendre... Jamais l'on ne peut espérer un autre déroulement, une autre histoire, une histoire que la vie n'aurait déjà écrite... Ce fut indiscutablement les affaires du bureau de Vincent qui furent le premier signal d'alarme. Lui qui ne voulait pas écouter, se rendait compte de cette déchéance, de cette drogue qu'était devenue Sabine dans sa vie. Une drogue dont il ne pouvait pas se passer, sans pour autant atteindre l'assouvissement, le but réel recherché dans ces  étreintes. Vincent fini par avoir peur de ce besoin qui surgissait sans cesse, qui se dressait comme un mur dans sa vie, qui le gênait, qui le détruisait, et dont il ne se séparerait jamais. Quoi qu'il en coûte, quel qu'en soit le prix, le lourd tribu à payer. Les mois passaient, les ruses se multipliaient, devenaient de moins en moins fiables. Vincent commença à errer de plus en plus souvent dans la rue Saint Vincent. Il était né dans

cette rue, il avait grandit dans cette rue, avait rencontré Iris dans cette rue. Il venait là, à chaque fois qu'il le pouvait, comme si il se devait de venir rendre des comptes à ce lieu, comme si il avait s'agit de sa propre mère. Il se trouvait désappointé à chaque fois qu'il entamait cet étrange pèlerinage. Il était à la fois conscient de ce désoeuvrement, et à la fois incapable de cesser cette ascension. En marchant, il regardait le pavé, absent, il connaissait chaque pierre, chaque

dessin que les maçons avaient adroitement ou d'une

hasardeuse façon, gravés. Il savait où le soleil pouvait frapper le sol de ses rayons. A chaque fois il s'arrêtait, et écoutait cette musique ornant ces magnifiques spectacles de rue. Comme un virtuose, il s'enrichissait de tout ce savoir naturel dont il avait été nourri, dont aujourd'hui il se sentait prisonnier, comme si cela avait été le prix à payer. Nonchalamment, il déambulait, en se posant des questions, comme il avait l'habitude de le faire, espérant qu'une de ces questions pourraient un jour répondre à la question... En fait il cherchait la clé,

une stupide clé qu'il avait sans doute autour du coup

comme une paire de lunette, et qu'il cherchait partout

bêtement sans savoir... Sans en être désespéré, il

continuait à mener sa triple vie. Il était de plus en

plus convaincu que le bonheur naissait de cet enfer...


 

 

 

CHAPITRE 2


Pour Kippour Vincent oublia Sabine pour la première

fois. On ne peut pas dire que Vincent était un religieux, sans pour autant pouvoir dire qu'il ne croyait pas. Je crois de toute façon que le sang Juif a de trop couler sur l'histoire pour pouvoir rester indifférent. Son père était mort pendant son enfance, et il ne pouvait oublier cela. Il était Juif, rien que ce mot faisait apparaître le visage du souvenir... Il se rappelait son enfance, toujours à se cacher, et à mentir et à voler, afin de se protéger des terribles patrouilles allemandes. Il se souvenait pourtant toujours de ce livre qu'il avait lu , "Le silence de la mer" de Vercors. Ce livre l'avait obligé à réfléchir, et à ne plus considérer cette haine folle qui l'avait hanté pendant tant d'années. Avec son tallet et sa kipa, accompagné de toute sa famille, et pourtant si éloigné, Vincent fit le premier pas vers la synagogue. Il avait besoin de ce recueillement, il le

savait nécessaire, tout en sachant que cela ne l'éloignerait guère de son égarement trop prononcé. Il

pressentait que Iris avait tout deviné, mais qu'en bonne épouse, elle tolérait et elle tolérerait encore si cela lui permettait de sauver son couple et le bonheur de ses enfants. Ce n'était pas de l'amour, seulement une conviction très puriste du mariage contre laquelle seule un remaniement d'éducation viendrait à bout. A l'intérieur de la synagogue, malgré le brouhaha incessant, Vincent réussit à s'exiler, laissant le monde terrestre à ses préoccupations réelles. Il réfléchit ainsi longuement à tous les tracas qu'il subissait, sans au début, pouvoir faire un bilan de la situation. Il se

concentra d'avantage, essaya de prendre du recul, et

après mainte et mainte reprise, il finit enfin par connaître le mal dont il était atteint. Lui un Juif, marié, père de famille, chef d'entreprise, longtemps fier, même très fier de cette situation, qu'il avait tant de fois nommé bonheur, aujourd'hui, il était amoureux. Amoureux d'une autre femme, une femme qui de surcroît n'était pas Juive. Et cette femme il l'avait dans la peau, elle était devenue sa raison de vivre, effaçant de sa vie son épouse et ses propres enfants, comme si il avait s'agit d'une simple ardoise sans intérêt... Il s'arrêta de penser, il se rendit compte qu'il avait omis de prier, il se mit à rougir de tant de pensées impurs, puis il s'aperçut également qu'il faiblissait, que son ventre tirait et que sa gorge séchait. Le soleil n'était pas couché, il fallait attendre... Il se retourna, tranquillement, comme un étranger l'aurait fait, il dévisagea sa femme. Il l'a trouva belle, pure. Le visage d'Iris était dur, ses traits étaient tirés, imperturbables, rien ne pouvait laisser apparaître ses états d'âmes. Elle avait un grand front, était intelligente et perspicace, elle n'était pas vraiment belle, enfin pas tel qu'un homme s'imagine une belle femme, mais lorsque l'on croisait son regard, on se retrouvait cloué. Tous les hommes qui la croisait se souvenait de son visage attirant, de ses yeux dévastateur. Lui même, Vincent, n'avait su résister vingt ans plus tôt. Il se mit à rougir lorsqu'il se souvint furtivement qu'elle avait également en son temps, su être une amante experte, mais ce temps était loin, trop loin lui sembla-t'il pour pouvoir encore y penser. Et puis tout était trop différent avec Sabine, avec elle, ce n'était pas du savoir faire, ni du savoir être, c'était seulement la passion qui les guidaient tous deux dans cette voie étrange, dont on ne pouvait pas dire qu'elle était sombre. Il sut dés ce moment qu'il ne pouvait plus faire marche arrière.

 

                       Il y avait ce jour même un soleil exceptionnel, un air frais très commun en début d'hiver soufflait avec son étrange haleine, de son odeur inoubliable, sur la place de la comédie... Sabine avançait le dos courbé, les mains enfouis dans les larges poches de son caban noir, se dirigeant vers le château d'eau. Elle eut envie, en passant devant une calèche, elle eut envie comme une gamine, comme un caprice, de monter dedans, de se faire transporter, comme lorsqu'elle était enfant et que son père l'appelait "sa princesse". Elle renonça, simplement parce qu'elle n'aimait pas se replonger dans les souvenirs, bons mais douloureux. Elle préféra observer les platanes gigantesques qui traçaient les allées du jardin. Elle aimait cet endroit et elle aimait ces arbres. Elle avait une sensation inconsciente de sécurité, face à ces monstres immobiles qui l'attendait patiemment et qui la contemplait, muets, et détenteurs des secrets de son enfance. Mais ce qui l'émouvait le plus dans ce

jardin, c'était une vieille souche, qui sentait le moisi. Elle se souvenait avec exactitude du dessin de son tronc, de ses noeuds, de ses branches flottantes, plus elle fermait les yeux, plus elle se souvenait avec une exactitude surprenante. Elle parcourra du regard cet arbre, comme un écureuil, comme elle rêva de le faire pendant tant d'année, en passant devant, se rendant à l'école, avec ce petit tablier jaune dont elle avait si honte. Puis il avait neigé, un hiver, tout le monde disait que cela n'était jamais arrivé, un tel froid, surprenant

et immobilisant la ville entière. Deux ou trois jours plus tard la vie avait repris son cours, tout le monde

avait oublié, sauf cet arbre, elle se souvient, personne ne s'en souciait à l'époque, elle seule l'avait regardé mourir, l'avait aimé, et avait haït les bûcherons qui étaient venus l'abattre...

Sabine s'était dans son enfance construit son monde à

elle, totalement isolée, se protégeant sans doute, du

monde des adultes. Elle vivait seule au milieu des enfants. Elle possédait une maturité hors du commun. Elle comprenait le monde avec une malice surprenante, connaissait avec précision les réactions des adultes, les manipulait, jouait d'eux, de leurs comportements... Elle riait silencieusement. Sa mère était morte... C'était son père qui lui avait annoncé un jour, brutalement, trop marqué lui même pour réagir différemment, elle s'en souvient et s'en souviendra jusqu'au moment ou elle fermera ses paupières, définitivement, comme un rideau rouge, un rideau de théâtre. Elle n'avait pas pleuré, c'est à vingt-deux ans qu'elle avait versé sa première larme. C'était après une déception amoureuse, banale, il s'appelait Jean, mais curieusement, ce ne fut pas pour lui qu'elle versa cette larme, mais pour sa mère, elle y pensa, et cela la fit pleurer, pleurer, pour la première fois. Pendant toute ces années, elle avait noirci un journal intime, c'était là que se trouvaient les larmes qu'elle n'avait jamais versé. Ce ne fut que plus tard qu'elle essaya désespérément de le faire éditer... Lorsque pour la première fois elle en parla, ce fut à un jeune éditeur, un jeune homme fluet, possédant un certain charme, assez grand, un nez filiforme... Un regard discret s'était posé sur elle, elle l'avait senti, il ne pesait pas, elle le

trouva agréable. Il refusa l'édition de son journal, il l'invita à dîner. Elle accepta. Ce jeune homme s'appelait Marc. Depuis ce jour il l'avait appelé sans

cesse au téléphone, quasiment allant jusqu'à la harceler, et Sabine céda, céda encore et encore à la

technique de drague quasi commerciale qu'avait employé son amant...

Un jour, elle osa lui reparler de son journal. D'abord il avait feint d'ignorer, ce ne fut que plus tard qu'il envisagea la chose et qu'il la considéra possible. Il eut surtout peur de ne pas être objectif, guidé par son amour aveugle, dont Sabine ne sut

 que trop tard qu'il n'était pas réciproque. Seulement, elle trouva pratique la solution de se marier avec une personne simple et aimante. Par contre, elle le jura et le jure encore, elle n'avait sincèrement jamais imaginé possible le fait qu'un jour elle pourrait le tromper, jusqu'à ce qu'elle se soit  rendue dans ce bureau de tabac, ne sachant plus très bien maintenant, si elle s'y était réellement rendue pour aller chercher des cigarettes...


 

 

CHAPITRE 3


                            Il pleuvait, toutes les rues étaient sombres, les gargouilles ricanaient, et s'abreuvaient de cette tristesse. Ce jour là, comme tous les jours, on ne pouvaient imaginer ce qui allait se dérouler, le spectacle qui allait se jouer sur la scène de la vie. En fait, je dis ce spectacle, je devrai dire cette multitude de spectacles qui constitues le monde...

Je suis assis face à ma machine, et je ne peux m'empêcher d'être satisfait de ce que j'aperçois...

Vincent s'apprête à sortir, il a mit un costume sombre, il vient de boire un café noir, comme tous les matins, il n'embrasse plus sa femme lorsqu'il quitte l'appartement de l'avenue Berthelot. En sortant, machinalement, il ouvre le boîtier de son téléphone portable, il compose le premier numéro de la journée, il commence à parler naturellement, sans guère se soucier ni prêter attention à ce qu'il Dit, ni à ce qu'on lui répond, il a confiance en lui, depuis bien longtemps il a renoncer à se surveiller. Il descend l'escalier sans précipitation, répétant les gestes autonomes... Sans doute est-ce le seul moment de la journée, où il s'évade vraiment, où il se permet de

rêver comme il le faisait lorsqu'il était enfant. Mais tout à changer depuis que Sabine est entrée dans sa vie, comme un coup de poing. Puis brusquement il se

mit à penser à Ludmilla. Cette fille, cette première fille dont il avait rêvé, mais dont il n'avait rien obtenu de plus que ce souvenir éphémère mais combien éternel d'un premier amour... Il avait treize ans, il en frémit encore, à son souvenir, il ressent encore ce que ressentait le garçon, le petit Vincent, celui qui cachait à tout le monde qu'il était Juif, parce qu'il savait que sa vie dépendait de la continuité indispensable de ce mensonge. Et à l'époque il ne savait pas, il espérait seulement qu'un jour cela pourrai changer. Et ce jour était arrivé. Il aurait du éprouver une joie incommensurable, mais il s'était retrouvé seul avec sa mère, cette mère Juive, aigrie par ce destin, fidèle à ses coutumes et respectant le deuil de son mari, vêtue de noire jusqu'à la fin de sa vie. Il eu beau cherché, il n'avait pas même réussi à sourire, trop de silence avait suivi... Et Ludmilla? Il ne savait pas, elle avait disparue dans sa vie comme elle y était apparue. Le doute de sa disparition fit saigner son coeur continuellement, et sa vie allait sans doute lui confirmer que le souvenir de Ludmilla était éternel. Simplement parce que Ludmilla était entrée dans sa vie comme un coup de poing. Comme Sabine... A ce moment là, il vit le visage de la fille, et de la femme, ils étaient là, devant lui, cote à cote, puis curieusement ils s'assemblèrent et ne firent plus qu'un, il versa une larme et fit pénétrer la clé dans la serrure de la portière de la Mercédes. Il s'aperçut alors qu'il était trempé, il

démarra la voiture, mit en route le chauffage, il avait, l'après-midi, rendez-vous avec sa maîtresse...

...Sabine l'attendait, toujours dans le même Hôtel, rien ne devait jamais changer, pas même le numéro de cette chambre, toujours, toujours ce numéro six...

Il y avait toujours le même réceptionniste, au regard vicieux, qui faisait toujours les mêmes réflexions déplacées que personne ne paraissait entendre. Il en

avait prit l'habitude, cela ne le dérangeait pas, et en plus il ne pouvait s'empêcher de sourire, amusé sans doute lui même de ce qu'il avait répété, nul doute, des centaines de fois, dans cet hôtel construit semblait-il pour donner la possibilité aux couples de pêcher, de rompre tous les serments hypocrites du mariage. Cet hôtel avait été témoins de tant de relations qu'il n'avait jamais pu toutes les écrire, ni les narrer. Et c'était vrai que l'on s'y trouvait bien...



 



28/06/2009
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